La Corse

Une île, une montagne dans la mer, mystérieuse et belle, un territoire fort et fier : la Corse

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Sommaire de cette édition

Malakoff Humanis et vous

Une île, une montagne dans la mer, mystérieuse et belle, un territoire fort et fier : la Corse

Pour beaucoup, la Corse est avant tout une destination de vacances. Au cœur de la mer Méditerranée, cette île de beauté au maquis odorant bordé de plages sublimes et de criques sauvages est un territoire de traditions culinaires ancestrales faites de charcuterie, de flan à la châtaigne et de fromage de brebis. Pour d’autres, c’est une terre chargée d’histoires et la patrie de naissance de Napoléon Bonaparte (Napoleone Buonaparte) qui vit le jour à Ajaccio le 15 août 1769. D’autres encore considèrent la Corse comme le lieu emblématique de la vendetta dépeinte par Prosper Mérimée dans son célèbre Colomba, des clans hostiles ayant recours à la violence pour résoudre leurs différends.

Le vieux port de Bastia • © Mementop 2024

Les clichés à propos de la Corse ont la peau dure. Ils témoignent du caractère singulier de l'île. La situation centrale de cette dernière en Méditerranée, son exceptionnelle ossature montagneuse aux innombrables sommets culminant à plus de 2 000 mètres d’altitude, ses lacs naturels et sa kyrielle de cours d’eau, le relief escarpé de ses 1 000 kilomètres de côtes, sa végétation dont l’immense diversité compte plus de 75 espèces endémiques, les parfums entêtants de son maquis, les valeurs authentiques incarnées depuis des générations par sa population, notamment l’importance de la parole donnée et le soin porté aux anciens… Indéniablement, la Corse est une terre à part, un lieu de contrastes où la douceur du littoral tranche avec la dureté des chaînes montagneuses qui séparent les côtes orientales et occidentales de l’île et orchestrent le partage des eaux.

Carte de la Corse, dévoilant un relief escarpé

Un peu de géographie…

Si la Corse est une île, c’est avant tout une montagne plongée en pleine mer. Il suffit pour s’en convaincre d’observer que son altitude moyenne se situe à 568 mètres. Avec la Sicile, c’est la plus montagneuse des grandes îles de la Méditerranée et la 4e par sa superficie : Sicile (25 460 km2), Sardaigne (23 813 km2), Chypre (9 251 km2), Corse (8 681 km2), Crète (8 261 km2). Située à 12 km au nord de la Sardaigne, à 83 km à l'ouest de la Toscane en Italie et à 171 km au sud-est de Menton (Côte d'Azur), elle s’étend sur 183 km de long, sa plus grande largeur étant de 83 km. La ville d'Ajaccio en Corse-du-Sud se situe à la même latitude que Rome, à une distance de 918 km de Paris à vol d'oiseau.

Le massif du Monte Cinto • © Mementop 2024

Plus de 120 sommets dont l’altitude dépasse 2 000 mètres divisent l’île en deux régions selon une ligne s’étendant grossièrement du nord-ouest au sud-est. Même la péninsule schisteuse du Cap Corse située au nord d’une ligne reliant Bastia à Saint-Florent, malgré ses 15 km de largeur, n’échappe pas à la domination montagneuse. La serra qui parcourt le Cap du nord au sud atteint 1 324 mètres à la Cima di e Follicie, située à seulement quelques kilomètres de la mer.

Au sommet du Monte San Petrone • © Mementop 2024

La montagne corse s’articule autour de 4 grands massifs qui dessinent l’ossature montagneuse de l’île. Le massif du Monte Cinto abrite le sommet éponyme qui s’élève à 2 710 mètres au-dessus du niveau de la mer et constitue le point culminant du territoire. Vient ensuite le massif du Monte Rotonde qui culmine à 2 622 m. Puis, plus au sud, le massif du Monte Renoso s’élève à 2 352 m. Enfin, le massif du Monte Incudine, culminant à 2 134 m, est le plus méridional et le moins élevé de ces massifs. C’est aussi le dernier sommet selon l’axe nord-sud à dépasser 2 000 m d’altitude. La Corse se divise en 9 régions : le pays bastiais, la Castagniccia, la plaine orientale, l’Alta Rocca, le Sartenais Valinco Taravo, le pays ajaccien, l’Ouest corse, le Centre corse et la Balagne.

Promenade au cœur de la forêt de Bavella • © Mementop 2024

La plaine orientale : cultures, lacs et lagunes

La plaine orientale est une région côtière presque plate qui débute au sud de Bastia et s’étend jusqu’au nord de Solenzara. Large de 15 kilomètres au plus et longue de 80 km, cette région est formée de roches sédimentaires charriées par la mer et les nombreux cours d’eau, fleuves et rivières, qui coulent dans la partie orientale de l’île : le Golo, le Tavignano ou encore le Tagnone. Cette zone très humide contient des étangs de taille variable, à l’instar du lac de Palu, séparés de la mer Tyrrhénienne par de larges rubans de lagune. La plaine orientale est le siège d’un maquis épais, pouvant atteindre plusieurs mètres de haut. Les arbres caractéristiques de l’île y sont abondants : arbousiers, chênes verts, châtaigniers et oliviers. Longtemps considérée comme le grenier de Rome, cette région fertile abrite aujourd’hui des cultures fruitières particulièrement productives : clémentines, prunes, olives, etc.

La plaine orientale • Photo 62295765 | Corsica © Bensliman Hassan | Dreamstime.com

Une terre propice à la randonnée

La Corse propose un très grand nombre d'options à qui souhaite randonner. Petite promenade de quelques heures, randonnée en montagne, traversée de l'île du nord au sud ou d'ouest en est... En Corse, la beauté est partout, elle en devient presque banale ! Tout le monde a entendu parler du mythique chemin de grande randonnée à travers la montagne corse, le GR20, qui mène de Calenzana (en Balagne) à Conca (à quelques kilomètres de Porto-Vecchio). S'il offre au marcheur courageux des paysages inoubliables, c'est aussi l'un des sentiers de grande randonnée les plus difficiles d'Europe. Baptisé Fra Li Monti (à travers la montagne) par les locaux, il est particulièrement fréquenté durant la période estivale. Le GR sillonne le territoire du parc naturel régional de Corse, une zone protégée qui couvre plus de 50% de la Corse, principalement en montagne, et s'étend sur 178 communes. La gestion du parc vise à protéger l'exceptionnelle diversité biologique et le patrimoine de l'île.

Au cœur du GR20, à proximité du Monte Cinto • © Mementop 2024

Avec ses 11 000 mètres de dénivelé positif, son parcours est habituellement bouclé en 16 jours par un marcheur moyen. Ce GR plutôt technique croise peu de routes, offrant dès lors peu d'options de repli en cas de difficultés. Dans le sens nord-sud, les 6 premières étapes sont caractérisées par des difficultés qui exigent une excellente condition physique et une bonne préparation tant le paysage est escarpé.

Accueillante rivière située sur le tracé du GR20 • © Mementop 2024

Les refuges qui jalonnent le parcours sont en général ouverts à partir du mois de juin. En début de saison, les randonneurs intrépides sont parfois surpris par l'enneigement tardif et persistant qui peut bloquer leur progression sur les parties les plus élevées du sentier. Dans sa partie sud, le GR est plus facile, le terrain moins accidenté et les déclivités moins marquées. Le GR20 peut d'ailleurs se diviser en 2 parties, séparées par le village de Vizzavona, aisément accessible en train depuis Bastia ou Ajaccio.

Le long du GR20, en Corse-du-Sud, près de Bavella • © Mementop 2024

Le parc naturel régional de Corse offre des alternatives remarquables au GR20 ; des sentiers moins connus donc moins fréquentés, entre mer et montagne, traversant de nombreux villages, passant par des paysages à couper le souffle et franchissant des cols d'une incroyable diversité. Chacun peut trouver des sentiers adaptés à son niveau, du flâneur en balade au randonneur aguerri. Un peu partout, du nord au sud de l'île, la montagne est d'une indicible beauté : hauts sommets tardivement enneigés, superbes lacs d'altitude, promontoires rocheux aux formes étranges, plaines herbeuses où siègent les pozzines (de curieuses formations végétales), brèches offrant des vues imprenables sur la mer, piscines naturelles creusées dans la roche, villages typiques installés à flanc de colline... Dans les villages et par les chemins, les rencontres avec les habitants de l'île sont précieuses. Toutes les régions de l'île se prêtent à la promenade, à la randonnée et même à l'alpinisme. Il faudrait tout une vie pour connaître et bien comprendre la montagne corse.

En amont du village de Pietra Di Verde, en Haute-Corse • © Mementop 2024

Des villes et des villages

Lorsque deux corses se rencontrent pour la première fois, inévitablement ils s'interrogent l'un et l'autre : "tu es de quel village ?". Cette question n'est pas anodine. Elle résulte de la géographie de l'île, du relief escarpé et cloisonnant qui complexifie le calcul des distances. D'autant que l'hiver, la neige tombe parfois en abondance, bloquant durablement les routes secondaires non déneigées. Des villages demeurent ainsi isolés durant plusieurs semaines. Le réseau des transports îliens se limite au petit train qui relie 4 villes entre elles, à quelques bus et à un réseau de cars principalement actif durant les mois d'été. Pour se déplacer, les corses utilisent donc leur propre véhicule. Le vieillissement de la population et l'absence de solutions pratiques de mobilité contribuent à renforcer l'isolement social des aînés.

Les anciens sont les mémoires vivantes des villages et les gardiens de traditions séculaires. Bien sûr, le tourisme se développe essentiellement sur le littoral. Il faut dire qu'avec ses 1 000 km de sublimes côtes, la Corse est une terre rêvée pour les amoureux de la mer. Mais prendre le temps de s'installer dans un village de montagne, de rencontrer ses habitants, de s'arrêter durant quelques jours et de profiter des paysages splendides qu'on y trouve est un plaisir inoubliable et une expérience humaine d'une grande richesse. On n'oubliera pas, bien sûr, de profiter de la délicieuse cuisine corse et de ses spécialités qui témoignent de l'importance des anciennes activités agricoles et pastorales des habitants de l'île : figatellu, brocciu, bastelles, veau aux olives...

Plage d'Erbaghju, en Corse-du-Sud • © Mementop 2024

Un petit train pour découvrir l'intérieur de l'île

Au milieu du XIXe siècle émergea l'idée de construire une ligne de chemin de fer reliant Bastia au nord à Bonifacio au sud. Cette ligne devait faciliter la circulation des biens et des personnes entre les deux côtés de l’île. Quelques lignes secondaires furent également envisagées afin de décloisonner d’autres régions du territoire. Mais en définitive, l’État français décida de financer en priorité la construction d'une liaison ferroviaire entre Bastia et Ajaccio. De nombreuses études furent conduites pour déterminer le tracé idéal de cette ligne. Le recours à une voie utilisant un rail central en plus des deux rails latéraux permit d’opter pour la traversée de la montagne corse par le col de Vizzavona situé au centre de l'île. Toutefois, le perçage d’un tunnel sous la montagne lui fut préféré et les travaux débutèrent en 1879 aux deux extrémités de la ligne. Les premières sections de cette dernière furent ouvertes au public en février 1888. En parallèle débutèrent deux chantiers complémentaires visant à relier Calvi à Corte d’une part et Porto-Vecchio à Corte d’autre part. Plus de quinze ans après le début des travaux, le 3 décembre 1894, la ligne centrale fut enfin mise en service avec ses 158 km de voies, ses 32 tunnels et ses 51 ponts. Le perçage du tunnel de Vizzavona, long de 3 916 m, nécessita à lui seul deux ans de travaux, de même que la construction du grand viaduc du Vecchio, perché à 94 m au dessus d'une gorge infranchissable, qui fut confiée à l’une des entreprises de Gustave Eiffel.

Le petit train corse sur le viaduc du Vecchio • Photo 22584600 | Corsica © Allard1 | Dreamstime.com

À cette époque, le réseau ferroviaire corse totalisait environ 300 km de voies. D’autres lignes furent progressivement mises en service pour aboutir dans les années 30 à un réseau ferroviaire long de plus de 360 km. La Seconde Guerre mondiale eut cependant raison de plusieurs tronçons qui, endommagés ou détruits, ne furent jamais reconstruits. La Corse compte aujourd’hui 232 km de voies exploitables. Le train corse, surnommé U Trinichellu (littéralement, le tremblant) par les îliens constitue à la fois un remarquable moyen de transport et une attraction touristique prisée. Les habitants de l'île affirment volontiers et avec beaucoup d'humour qu'eux aussi disposent d'un TGV : un Train à Grandes Vibrations...

Panorama sur l'Alta Rocca au sud de l'île • © Mementop 2024

Une montagne dans la mer

Le quart nord-est de l'île (Nebbio, Cap Corse, Bagnaja et Castagniccia) est le royaume du schiste, le reste de l'île étant essentiellement constitué de roches granitiques. La haute montagne corse est divisée en quatre massifs (Cinto, Rotondo, Renoso et Incudine du nord au sud), tandis que trois massifs de moyenne montagne occupent le quart nord-est de l'île. Au nord, les paysages sont alpins avec les sommets les plus élevés du territoire, notamment le Monte Cinto qui culmine à 2 706 m, offre un point de vue à 360° sur toute la région et permet d'observer de somptueux milans royaux. Les vallées y sont hautes sur tous les versants et il y coule le plus long cours d'eau de l'île, le Golo. La toponymie reflète la dureté des paysages. Ainsi, le randonneur expérimenté peut se promener au col perdu (Bocca Tumasginesca, situé à 2 183 m d'altitude) ou découvrir le cirque de la solitude (Cascettoni). Jusqu'en 2015, ces deux sites se trouvaient sur le tracé du GR20 mais un éboulement important ayant fait 7 victimes incita la FFRP à modifier le parcours pour éviter la traversée de ce sublime cirque glaciaire.

Vue sur le massif du Cinto depuis le GR20 • © Mementop 2024

Au sud, les vallées sont nettement moins encaissées et les sommets moins élevés. Le climat en montagne y est également moins rude. Les nombreux cours d'eaux, les lacs et les piscines naturelles sont propices à la baignade et au ressourcement. On y croise également des producteurs de fromage et de charcuterie. Au cœur de l'Alta Rocca en particulier, dans l'arrière-pays de Sartène, les villages rivalisent de beauté et d'authenticité pour séduire voyageurs et randonneurs. Le Monte Incudine (mont enclume), le plus haut sommet de la région, culmine encore à plus de 2 100 m mais son ascension en pente douce ne présente aucune difficulté.

Le Monte Incudine au printemps • © Mementop 2024

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Petit aperçu de la flore corse

Avec son climat méditerranéen, ses 1 000 km de côtes, ses 120 sommets culminant à plus de 2 000 m, ses nombreux cours d’eau et ses 7 étages de végétation, la Corse est un territoire propice au développement d’une flore variée et riche. Plus de 3 000 espèces végétales ont été identifiées sur l’île dont près de 10% sont endémiques. Voici un florilège de cette richesse.

Le pin laricio (pin noir ou Pinus nigra var. corsicana)

Tout randonneur ayant sillonné la montagne corse a rencontré ce majestueux conifère. Caractéristique de l’étage montagnard, on le trouve en effet tout au long du célèbre GR20 qui parcourt l’intérieur de l'île, du nord au sud. Endémique de la Corse, de la Sicile et de la Calabre, le pin laricio est un arbre robuste dont la longévité peut atteindre plusieurs siècles. Certains spécimens dépassent 50 mètres de haut, ce qui fait de ce pin l’un des arbres les plus grands de France. Reconnaissable à son tronc élancé, droit et fier, dépouillé de branches basses, il possède un houppier conique et modeste. Ses aiguilles souples sont longues de 12 à 15 cm et ne piquent pas.

Pin laricio sur le parcours du GR20, à proximité du col de Vergio • © Mementop 2024

Le pin laricio fleurit au mois de mai et ses cônes atteignent la maturité en deux ans. Il fut longtemps considéré comme un arbre sacré, associé à Cybèle, la déesse grecque de la fertilité. Son bois homogène et dense est utilisé en menuiserie ainsi que dans la fabrication de parquets, de lambris et de charpentes. Son tronc, long et droit, constitua en outre un mat idéal pour de nombreux voiliers. Rustique et robuste, le pin laricio peut vivre plus de 1 000 ans. L’île compte environ 20 000 hectares de forêts de cet arbre majestueux.

Le châtaignier (Castanea sativa)

Le châtaignier est avec le pin laricio un arbre emblématique de la Corse. Longtemps désigné comme l'arbre à pain, il occupe une place de choix au cœur du patrimoine culturel de l’île. Il fut implanté en Corse au cours du Xe siècle dans une période tumultueuse de guerres et d'instabilité. Sa culture – appelée aujourd’hui castanéiculture – débuta réellement au XIIe siècle et connut une forte intensification à la fin du XVIe siècle. En 1900, les forêts de châtaigniers s’étendaient sur plus de 350 000 hectares tandis que la population de l’île atteignait tout juste 150 000 personnes. La farine tirée des fruits du châtaignier, aux remarquables qualités gustatives et nutritionnelles, constitua progressivement une source primordiale d’alimentation, au point de devenir l’aliment de base de la cuisine rurale. Elle servit notamment à préparer la célèbre pulenda, un pain corse constitué de farine de châtaigne, d’eau et de sel.

Châtaignier centenaire en Haute-Corse • © Mementop 2024

La Castagniccia, une région située au nord-est de l’île, tire son nom de celui du châtaignier (castagnu en langue corse). Bien que particulièrement difficile d'accès, ce territoire humide, montagneux et boisé a connu la densité de population rurale la plus élevée de l’île au XIXe siècle. Avec une altitude moyenne de 1 000 m, la Castagniccia est caractérisée par un relief escarpé s'étendant autour du Monte San Petrone qui culmine à 1 767 m. La culture de la châtaigne y fut exemplaire et contribua à nourrir une grande partie de la population corse pendant plusieurs siècles. Dès la fin du XIXe siècle, la région connut un effondrement démographique dû au développement des cultures de pomme de terre et de céréales.

Le maquis • Machja en corse

Recouvrant environ 25% de la surface de l’île, le maquis constitue à lui seul une inoubliable expérience olfactive. Formation végétale typique des régions méditerranéennes, le maquis s’étend du littoral jusqu’au début de l’étage montagnard. Majoritairement composé d’arbrisseaux résistants à la sécheresse et aux températures élevées caractéristiques du climat méditerranéen, il forme un manteau végétal dense et épineux dont la hauteur peut atteindre plusieurs mètres. Il se compose de nombreuses espèces parmi lesquelles le myrte commun, le pistachier lentisque, le chêne vert, le genévrier, l’arbousier, les cistes, le romarin, la bruyère arborescente, la lavande papillon et l’immortelle de Corse. La plupart de ces espèces sont odorantes et ce mélange subtil de parfums et d’essences participe à l’identité de l’île. Le maquis corse, composé d'une très grande diversité d'arbustes et de plantes, est fleuri tout au long de l’année : le romarin fleurit entre février et avril, les cistes fleurissent en mai, le lentisque et le myrte en juillet et l'arbousier en automne. Cette richesse végétale permet aux abeilles de produire tout au long de l'année du miel de maquis aux multiples parfums.

Maquis Corse au cœur du sartenais • © Mementop 2024

Dans l'antiquité, on tressait des couronnes avec des fleurs de myrte pour orner le front des filles encore vierges et celui des jeunes mariées. Les baies de cet arbuste furent utilisées comme épice avant l'arrivée du poivre en occident pour donner du goût aux saucisses. On les utilise aujourd’hui pour produire de la liqueur et de l’eau de vie de myrte. L’immortelle, quant à elle, est utilisée en aromathérapie et entre dans la fabrication de nombreuses préparations cosmétiques ou thérapeutiques. Enfin, les fruits de l’arbousier sont utilisés en cuisine pour la préparation de confitures, de compotes et de gelées. Elles servent également à fabriquer la liqueur d’arbouses reconnue pour ses vertus digestives.

La marjolaine sauvage • A nepita en corse

Le calament népéta ou fausse marjolaine est une plante aromatique de la famille des Lamiaceae. Bien qu’il en existe de nombreuses variétés, a nepita corse est une variété unique au parfum mentholé puissant. Poussant principalement en moyenne montagne, fleurissant de mai à octobre, c’est une plante rustique capable de résister à la sécheresse, aux fortes températures et au froid intense, jusqu’à -15°c. Comme de nombreux aromates, elle est connue pour ses vertus digestives. Ses feuilles séchées sont utilisées en cuisine pour parfumer les plats ou pour réaliser des infusions.

La grassette de Corse (Pinguicula corsica)

Endémique de la Corse, cette petite plante carnivore de - la famille des Lentibulariaceae - se développe en montagne, entre 1 100 et 2 000 mètres d'altitude. Elle affectionne les zones humides et ensoleillées, colonisant volontiers les abords des torrents et des sources, ainsi que les pozzines. Au début de l’été, ses fleurs violette capturent les insectes grâce à ses feuilles collantes.

Les pozzines : des formations végétales remarquables

En se promenant en montagne (dans le massif alpin ou dans les Pyrénées par exemple), dès 800 mètres d’altitude, on découvre parfois de curieuses formations végétales qui entourent des mares profondes. Les habitants de la Corse désignent souvent ces dernières sous le nom de pozzi qui signifie "puits". Les botanistes ont ainsi inventé un néologisme construit sur cette dénomination locale pour désigner ces vastes pelouses humides.

Les pozzines du Lac de Nino en Corse-du-Sud

Les pozzines corses se trouvent essentiellement à l’étage alpin, entre 1 600 et 2 200 mètres d'altitude. Elles se présentent sous la forme de larges tapis végétaux humides dont l’épaisseur varie entre 5 et 10 cm, percés de trous d’eaux (puits), reliés entre eux par des canaux naturels creusés par l'écoulement des neiges fondues. Elles sont apparues lors du comblement de lacs glaciaires par l’accumulation de sédiments, de matière organique et de terre. Les pozzines contribuent à réguler l’écoulement des cours d’eaux durant les périodes de sécheresse. Des troupeaux les fréquentent régulièrement pour s’y désaltérer, leurs déjections et leurs piétinements, associés au comportement parfois irresponsable de certains touristes, menacent le fragile équilibre de ces pelouses naturelles.

La délicate question de la langue corse

Pendant la Rome antique, les habitants de l’île parlaient un latin vulgaire ou vernaculaire. Au fil des siècles et au gré des mouvements de population, la langue parlée en Corse n’a cessé d’évoluer. En dépit de ses variantes, on peut aujourd’hui l'assimiler à une langue romane proche du toscan et de certains dialectes d'Italie centrale. Ainsi, Corses et Italiens parviennent à se comprendre sans difficulté, même si les échanges entre les Corses et les vénitiens ou les habitants du Piémont sont moins aisés. L'hymne de la Corse, Dio vi salvi Regina, est d'ailleurs écrit en italien standard. Certes, dans sa version chantée, on a pour habitude en Corse de remplacer le son O par le son U (qui se prononce ou). Remarquons que certaines variantes de la langue corse s’éloignent toutefois du toscan et de l'italien standard, notamment dans la région de l’Alta Rocca, aux alentours de Sartène, où l'on procède fréquemment à des emprunts au sicilien.

Apprendre le corse n’est pas chose aisée puisque la plupart des régions de l’île possèdent leurs spécificités linguistiques. C'est pourtant essentiel puisque le patrimoine culturel insulaire est principalement transmis aux nouvelles générations par des traditions orales : chants, polyphonies, histoires des villages, proverbes et expressions. Un remarquable travail de structuration de la langue corse a été mené par le pôle universitaire de Corte. D'autre part, depuis quelques années, l’État a répondu aux revendications exprimées par une partie de la population locale en acceptant qu’un enseignement hebdomadaire de deux heures soit proposé aux élèves des écoles primaires. La reconnaissance officielle de la langue corse exigerait une révision constitutionnelle à laquelle l’Académie française s’oppose vivement tandis que l'Unesco considère le corse comme une langue en voie de disparition.

Le drapeau de la Corse - Emblème à tête de Maure (A bandera testa mora), adopté en 1980 par la Corse

Les Tours génoises : patrimoine historique unique en son genre

Vestiges vibrants de la domination génoise, qui fut une puissance commerciale majeure en Méditerranée et en mer Noire durant près de huit cents ans, les tours génoises (torra) eurent pour principale fonction de contribuer à la défense de l'île contre les invasions de pirates (Barbaresques). En 1730, 120 tours trônaient sur le littoral corse. Aujourd'hui, on en dénombre encore 67, qui sont dans des états variés de conservation. Ces tours de pierre, hautes de 12 à 17 m sur 8 à 10 m de diamètre, étaient pour la plupart circulaires. Toutes avaient quatre niveaux : la réserve au sous-sol - contenant de la nourriture et des munitions mais aussi la citerne d'eau de pluie récoltée depuis la terrasse de la tour par un système de canalisations -, la salle de repos, la salle de garde équipée de meurtrières pour l'obervation et le tir, et la terrasse qui surplombait la mer.

Les tours génoises en Corse

Chaque tour était gardée par 2 à 6 hommes. Ces derniers, recrutés dans la population de l'île, habitaient leur tour tout au long de l'année et ne jouissaient pas du droit de s'en éloigner plus d'une journée par an. Un système de communication visuelle utilisant le feu et la fumée produite par celui-ci permettait d'échanger avec les tours voisines.

Vestiges d'une tour génoise aux îles Sanguinaires

En cas de risque d'attaque ou d'invasion, les gardiens allumaient un feu au sommet de leur tour, utilisant la fumée et la lumière ainsi produites pour prévenir les tours les plus proches dont les gardiens, de part en part, devaient relayer le message. En deux heures seulement, toute l'île était informée de la menace.

Scandola : réserve naturelle classée au patrimoine mondiale de l'UNESCO

Plusieurs aires protégées ont été créées en Corse afin de protéger l'extraordinaire patrimoine culturel et écologique de l'île. Placées sous la responsabilité et la gestion de la collectivité territoriale de Corse, ces réserves naturelles témoignent de la récente prise de conscience des pouvoirs publics quant à la fragilité des écosystèmes naturels, surtout dans des régions où l'activité touristique est intense. L'une des aires emblématiques de la richesse du littoral corse est la réserve naturelle de Scandola. Inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, cette réserve s'étend sur une surface de 1 669 hectares entre terre et mer. Elle abrite une exceptionnelle biodiversité côtière, maritime et sous-marine. Située au nord-ouest de la Corse-du-Sud, sur la commune d'Osani, la réserve de Scandola n'est accessible que par la mer et par des sentiers de randonnée. Sa partie terrestre comprend 919 hectares le long d'une presqu’île formée par l'écroulement en mer d'un ancien volcan et située au nord du golfe de Porto. De nombreuses espèces végétales endémiques s'y développent tandis que les hautes falaises de la zone protègent les nids de nombreux oiseaux à l'instar du faucon pèlerin, du goéland et célèbre balbuzard pêcheur (alpana), grand cormoran de Méditerranée;

La réserve de Scandola vue depuis la mer • © Mementop 2024

L'hymne de la Corse

Le chant Dio vi salvi Regina (littéralement, Que Dieu vous garde Reine) fut adopté en Corse dès 1735. Ce cantique écrit en italien, qui rend hommage à Marie, mère de Jésus, est désormais indissociable du patrimoine historique et culturel de l'île. Il est fréquemment chanté lors des cérémonies religieuses ou laïques : mariages, baptêmes, fêtes républicaines ou historiques, manifestations sportives...

Une histoire bien mouvementée

Depuis toujours, la Corse par sa situation géographique en mer Méditerranée a suscité des convoitises. Lorsque la République romaine prit le contrôle du territoire, elle ne ménagea pas les populations autochtones. L'empereur Auguste parvint à offrir à l'île une paix relative qui s'établit jusqu'à la chute de l'Empire romain en 476 après J.-C. Dès lors, la Corse sera la cause de nombreuses querelles, passant sous la domination de la république de Pise puis de la république de Gênes, avant d'intéresser l'Angleterre, l'Espagne et la France à tour de rôle. La Corse connaîtra même deux brefs épisodes d'autonomie insulaire, le premier en 1736 (royaume de Corse) et le second en 1755 (République corse) qui s'achèvera avec la bataille de Ponte-Novo. La Révolution française déclarera le rattachement définitif de l'île à la France le 30 novembre 1789, décision qui sera reconnue par les puissances européennes lors de la signature du traité de Paris de 1814, après la fin des guerres napoléoniennes.

Pascal Paoli (Pasquale Paoli) vit le jour le 6 avril 1725 à Morosaglia en Castagniccia. Il joua un rôle clé lors de la proclamation de la République corse (1755-1769) et constitue aujourd'hui une figure emblématique de l'identité locale. En 1753, il prit la tête du mouvement insurrectionnel et le dirigea jusqu'à la reprise du contrôle de l'île par la France, en 1769. Il fut alors contraint de s'exiler en Angleterre jusqu'à ce qu'en 1790 la Révolution française l'incite à revenir en Corse. Il y devint alors président du conseil général et, se brouillant avec la Convention en 1793, tenta de créer un nouveau royaume de Corse, sous domination britannique. Durant toute sa vie, Paoli montra un attachement inconditionnel à sa terre natale. Il fit preuve d'une détermination et d'une fidélité à toute épreuve dans ses actions visant à protéger l'identité de l'île et à défendre son indépendance, avec une conscience politique d'avant-garde. L'université de Corse porte aujourd'hui son nom.

Statue de Pascal Paoli à Corte • Photo 211000728 | Corsica © Evgeniy Fesenko | Dreamstime.com