Corbeau adulte perché sur un pieu • Photo 149838884 © | Dreamstime.com
Être bavard comme une pie, bayer aux corneilles, habiter un endroit ravitaillé par les corbeaux… Ces expressions familières illustrent notre proximité avec les corvidés, une famille de passereaux qui compte environ 130 espèces comprenant notamment la pie, le corbeau freux, le geai, le choucas et la corneille. Présents sur la quasi totalité du globe à l’exception de l'Arctique et de l’Amérique du sud, les corvidés sont dotés d'une intelligence stupéfiante, comparable selon certains experts à celle des grands singes. Ces oiseaux sont capables de mémoriser les traits d'un visage humain, font preuve d’empathie envers leurs congénères et utilisent des outils - crochets et pointes - pour parvenir à leurs fins, surtout lorsqu’il s’agit de trouver de la nourriture. Littéralement vénérés dans certaines cultures pour leur lien avec le surnaturel, les corvidés occupent une place de choix dans les récits mythologiques. De nombreuses légendes les présentent comme des figures mystérieuses et puissantes. Les peuples autochtones d'Amérique du Nord, par exemple, leur attribuaient des pouvoirs magiques et les ont élus au rang de guides spirituels. Notre relation avec les corvidés n’est cependant pas toujours harmonieuse. Lorsqu’ils s’aventurent en zone urbaine, ces oiseaux intrépides sont considérés comme nuisibles en raison de leur propension à fouiller dans les poubelles et à endommager les cultures. Cette perception négative est cependant le résultat de malentendus et de regrettables préjugés. Les corvidés jouent en effet un rôle clé dans les écosystèmes, y compris dans nos villes et nos villages.
En plus d’être de remarquables nettoyeurs de nos déchets, les corvidés contribuent à contrôler les populations de ravageurs et réduisent, par leur action, le développement de maladies infectieuses. L’intelligence exceptionnelle et les capacités d'adaptation des corvidés font de ces oiseaux des alliés précieux pour notre compréhension de la biodiversité. Face aux enjeux environnementaux qui nous concernent désormais, il est essentiel d'éduquer le public sur les bénéfices écologiques des corvidés et de combattre les idées reçues qui les diabolisent.
Les corvidés sont des oiseaux de taille moyenne à la silhouette élancée, au corps fuselé et aux pattes relativement longues. Leurs ailes bien développées et une queue longue d'une vingtaine de centimètres font de ces volatiles d’habiles voltigeurs. Tous les corvidés sont dotés d’un bec conique puissant, parfaitement adapté aux tâches complexes comme la manipulation d'objets et la capture de proies. Ce bec robuste et pointu, souvent recouvert de plumes sur le dessus, est utilisé pour sonder le sol afin d’y dénicher de la nourriture, graines, fruits, lombrics, larves d'insectes et petits mammifères. À dominante noire, le plumage des corvidés présente parfois des nuances de gris, de blanc et de bleu. Sa brillance s’explique par la présence sur les plumes de barbes qui reflètent la lumière.
Sans dimorphisme sexuel évident, il n'est pas aisé de déterminer le sexe d'un corvidé à partir d'une simple observation. Souvent monogames, ces oiseaux vivent en couples unis et partagent volontiers leurs occupations quotidiennes avec leur partenaire. La reproduction a lieu une fois par an et uniquement si les conditions environnementales la rendent possible, notamment par l'existence d'un site de nidification idoine et par la présence à proximité du nid de ressources alimentaires suffisamment abondantes. Les parents défendent farouchement leurs petits contre toute attaque de prédateurs. D'autres membres d'un même groupe, y compris issus d’espèces différentes de corvidés, n'hésitent pas à s’allier pour combattre ou intimider un intrus. De nombreux témoignages décrivent, par exemple, l'alliance entre un couple de corbeaux freux et des pies voisines appelées à la rescousse lorsqu'un chat domestique s'intéresse de trop près au contenu de leur nid. Il n'est pas rare que le félin soit l'objet de campagnes de harcèlement de la part du couple de parents revanchards durant plusieurs semaines.
Dès l’aube, il est fréquent d’entendre les vocalisations des corvidés dans des sérénades matinales variant en intensité et en fréquence selon les espèces et les saisons. Le croassement du corbeau freux ou de la corneille est assez éloigné du gazouillis mélodieux du rossignol. Pourtant, bien qu’ils ne soient pas réputés pour l’élégance de leur chant, les corvidés sont capables de produire une grande variété de sons et de vocalisations, aussi intéressants que reconnaissables. Souvent qualifiées de cris discordants ou de claquements stridents, ces vocalisations complexes sont indissociables de la vie sociale des oiseaux. Elles leur permettent de communiquer avec leurs congénères, notamment pour marquer leur territoire, signaler la présence de nourriture, donner l’alerte en cas de présence d’un prédateur, coordonner un comportement collectif lors des activités de chasse en groupe et même exprimer des émotions telles que l'excitation, la frustration, la peur ou la colère. Excellents imitateurs, les corbeaux et les pies parviennent à reproduire certains sons caractéristiques de leur environnement à l’instar des cris d’autres oiseaux, des aboiements de chiens et des miaulements. Cette étonnante aptitude est souvent utilisée à des fins sociales ou territoriales.
Les corvidés sont, pour la plupart, des passereaux grégaires qui apprécient de vivre en communauté et établissent des liens sociaux forts avec les membres de leur groupe. Cette proximité nourrit une forme d’intelligence sociale et collective qui se révèle avantageuse pour le groupe, notamment lorsqu'il s’agit de chercher de la nourriture ou de protéger les couvées. Ces regroupements de corvidés sont souvent constatés en dehors de la période de reproduction. Lorsque les oisillons ont acquis une relative autonomie, le fait pour le groupe de partager des instants de vie favorise les apprentissages. Le psychologue Nicholas Humphrey a mis en évidence l’existence d’un lien positif entre la taille d’un groupe et la capacité cérébrale de chaque individu. Une sorte de cerveau social se développe au sein du groupe, offrant aux plus jeunes l'opportunité d'observer le comportement et les habitudes de leurs congénères. Le fait, pour ces juvéniles, d'observer leurs aînés et de communiquer avec eux contribue indéniablement au développement de leurs remarquables facultés cognitives.
Vous pouvez télécharger et imprimer une fiche contenant toutes les réponses
Sur notre territoire vivent plusieurs espèces de corvidés parmi lesquels les geais, les choucas des tours, les pies, les corneilles noires et les corbeaux freux, ces oiseaux étant considérés comme les plus intelligents d’Europe. Le mot corbeau désigne en réalité plusieurs types d’oiseaux appartenant au genre des corvus qui regroupe une cinquantaine d’espèces. L’ignorance de nombreux observateurs explique l’emploi d’un terme générique pour désigner une large palette de corvidés au pelage sombre : corbeau freux, corneille et choucas notamment. Ces corvus vivent principalement dans des zones découvertes, la noirceur de leur plumage constituant un signe distinctif de reconnaissance par leurs congénères. À l’inverse, les geais et les pies ont un plumage coloré, adapté à leur lieu de vie et à leur territoire de chasse.
Certains corvidés, à l'instar du geai des chênes et des corneilles, sont migrateurs partiels, c'est-à-dire qu'une partie de la population se déplace en groupe vers des régions plus chaudes durant l'hiver. Cette migration débute à la mi-septembre et se poursuit jusqu'à la fin du mois d'octobre, les oiseaux étant de retour entre la fin du mois de mars et les premiers jours de juin.
La pie (genre Pica pica) possède un magnifique plumage tricolore, la profondeur du noir peignant sa tête jusqu’au haut de ses ailes tranchant avec le blanc immaculé de son corps et le bleu pétrole de ses ailes. La pie est un oiseau relativement imposant dont l’envergure est comprise entre 45 et 60 cm pour une longueur totale variant entre 44 et 56 cm. Elle est pourvue d’une longue queue qui mesure de 20 à 30 cm. Elle ne pèse pas plus de 250 grammes. Son espérance de vie de 15 ans est moyenne pour un passereau de cette taille, la survie des portées au-delà d’un an étant estimée à 22% par les ornithologues.
La pie est un oiseau agile, capable de ratisser les haies et les buissons les plus denses en quête de nids de passereaux (fauvette, mésange, chardonneret, rouge-queue noir…), les oisillons qu’elle y trouve constituant des mets de choix. Ce comportement prédateur lui vaut d’ailleurs une réputation négative d’animal agressif et sans cœur. Peu farouche, elle n’hésite pas à nicher à proximité d’habitations humaines. Son territoire s’étend entre deux hectares en ville et quatre hectares en milieu rural ou sauvage. Bavarde et bruyante, la pie jacasse et ses cris rauques sont semblables à des gémissements rythmés. En revanche, les scientifiques ont définitivement remis en cause sa réputation d’oiseau voleur : non, la pie n'est pas voleuse !
Comme tous les corvidés, pica est intelligente, son cerveau étant proportionnellement plus volumineux que celui des oiseaux de taille semblable. Elle garde durablement en mémoire les endroits où elle a déjà trouvé de la nourriture, y compris les emplacements de ses propres cachettes. Elle est, en outre, l’un des rares oiseaux à passer avec succès le test du miroir qui, selon les scientifiques, témoigne d'une aptitude à la conscience de soi.
Autre représentant emblématique de la famille des corvidés de nos campagnes, le geai des chênes (Garrulus glandarius), ainsi désigné parce qu’il possède une caractéristique unique située sous son bec : une poche pouvant contenir plusieurs faines et jusqu’à sept glands de chêne. Celle-ci lui permet de transporter, afin de les cacher, des réserves alimentaires qu’il destine à une consommation ultérieure, principalement durant l’hiver. À l’instar de l’écureuil, le geai des chênes est passé maître dans l’art de la dissimulation de denrées alimentaires qu'il enfouit dans le sol, dissimule dans des souches d’arbres, cache sous des racines ou encore recouvre de mousse, de feuilles mortes ou d’aiguilles de pin. Les stratégies ne manquent pas pour camoufler son magot aux quatre coins de son territoire. Assurément, le geai des chênes ne met pas tous ses œufs dans le même panier ! Mais comment ce volatile prévoyant parvient-il à retrouver ses cachettes après plusieurs mois ? En faisant appel à son très remarquable sens du repérage spatial. Lorsqu’il choisit une cachette, le geai des chênes observe attentivement les alentours en quête de points de repères naturels dont il mémorise la configuration. Si la nature ne lui offre pas suffisamment d’options, il place lui-même des cailloux à proximité de son butin. Bien sûr, cette technique exige que les repères mémorisés ne soient pas déplacés par un coup de vent ou supprimés à la suite d’une intervention humaine. Lorsqu’il perd ainsi ses repères, le geai a peu de chance de retrouver ses glands enfouis, ceux-ci pouvant germer en toute tranquillité et affronter l’hiver avant de donner vie à un nouveau petit chêne. Le geai des chênes est ainsi à son insu un planteur très efficace, chaque individu enfouissant annuellement plus de 4 500 glands dans le sol.
Le grand corbeau (Corvus corax) est le plus pesant et le plus grand des corvidés. Il possède aussi l’un des plus gros cerveaux observés chez les passereaux. De nombreuses expériences scientifiques ont été menées pour tenter de caractériser la nature de son intelligence, mettant en évidence sa capacité à résoudre des problèmes complexes requérant l’emploi d’outils. D’autres chercheurs en éthologie aviaire ont constaté que les grands corbeaux aiment jouer en groupe, y compris avec d’autres espèces, chiens et loups notamment. Le cri rauque et profond du corbeau est caractéristique. Il s'agit d'une sorte de « rrraaaw-rrraaac », pouvant ressembler à un aboiement. Il peut aussi produire de nombreuses variations allant du simple « ouc-ouc » à des notes presque musicales.
Avec son plumage noir, ses cris rauques et son comportement de charognard nécrophage, le corbeau est traditionnellement associé à la mort et au mystère, surtout dans les différentes formes de la culture occidentale. Sa présence fréquente sur les champs de bataille et dans les cimetières n’est sans doute pas étrangère à cette image négative qui imprègne les récits folkloriques et les traditions religieuses, parmi lesquelles le christianisme a joué un rôle prépondérant. Selon l'Ancien Testament, Noé envoya en premier lieu un corbeau depuis l’Arche qu'il bâtit pour vérifier le niveau des eaux lorsque le déluge eut enfin cessé. Le corbeau ne revint pas, ce qui fut interprété comme un témoignage funeste. La Bible ne présente pas systématiquement le corbeau comme un « oiseau de mauvais augure ». Selon le Premier Livre des Rois (17:4-6), le prophète Élie fut nourri par des corbeaux selon la volonté de Dieu. Cette image positive de l’animal – à la fois messager divin et compagnon nourricier – contribua à entretenir la complexité et l’ambivalence du symbolisme associé au corbeau. Dans la mythologie, ce lien de parenté entre la camarde et le corbeau est moins évident. L’animal y est souvent présenté comme positif, courageux et sage, ou en tant que messager des dieux. Dans la mythologie celtique par exemple, le corbeau descend des cieux pour porter aux hommes la parole divine. Le Dieu Odin, figure emblématique de la mythologie germanique, porte deux corbeaux sur ses épaules, Hugin et Munin. Ceux-ci l’informent de ce qu’ils ont vu et entendu en survolant les neuf mondes, conservant dans leur infaillible mémoire le souvenir impartial des événements passés.
La mythologie grecque est elle aussi ambivalente à propos du symbolisme lié au corbeau. Elle explique, par exemple, que le dieu Apollon envoya un corbeau épier Coronis, sa bien-aimée qui porte leur enfant. L’animal arborait alors un plumage blanc immaculé, symbole de pureté et de naïveté. Lorsqu’il revint, le corbeau informa son maître de l’infidélité de Coronis. Cette nouvelle mit Apollon dans une colère noire qui, maudissant l'oiseau, décida de le bannir à jamais, noircit ses plumes et en fit un symbole de mauvais présage. L’ambivalence de ce mythe résulte du fait que le corbeau agit en tant que messager et offrit la vérité au dieu, même si cette dernière fut douloureuse. Dans ce contexte, le corvidé incarne la justice divine, la connaissance et la probité, mais aussi la malédiction et la peine. Dans d'autres récits, les corbeaux sont associés à des prophéties et à la divination. Les Grecs anciens croyaient que l’étude du comportement des oiseaux, y compris des corbeaux, permettait de prédire l'avenir. Certains augures et bon nombre de prêtres spécialisés dans l'observation des oiseaux, utilisaient les corbeaux pour interpréter la volonté des dieux. Depuis la nuit des temps, les corbeaux suscitent des sentiments ambigus et contradictoires, mêlant admiration et crainte.
Lorsqu’ils apparaissent dans des œuvres littéraires, les corvidés incarnent souvent la connaissance, la sagesse et la mémoire. La comédie Les Oiseaux du poète grec Aristophane décrit une société utopique dans laquelle des oiseaux ont pris la place des dieux de l’Olympe. Jouée en 414 av. J.-C. en pleine guerre du Péloponnèse dans la ville d’Athènes meurtrie par la corruption, la guerre et les intrigues politiques, cette pièce d'un remarquable modernisme utilise les corneilles et les choucas pour railler les dieux et les hommes.
En 1668, le moraliste Jean de la Fontaine mit en scène un corbeau vaniteux, succombant à la flagornerie d’un renard très habile. Le Corbeau et Le Renard est une fable dont les vers sont connus de tous, l’auteur donnant ici une image du corbeau en profonde rupture avec les anciennes croyances.
Maître corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître renard, par l’odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
« Hé ! bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois. »
À ces mots, le corbeau ne se sent pas de joie ;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le renard s’en saisit, et dit :
« Mon bon monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l’écoute.
Cette leçon vaut bien un fromage sans doute. »
Le corbeau honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.
En 1872, le poète Arthur Rimbaud dédie un poème aux corbeaux.
Seigneur, quand froide est la prairie,
Quand dans les hameaux abattus,
Les longs angelus se sont tus…
Sur la nature défleurie
Faites s’abattre des grands cieux
Les chers corbeaux délicieux.
Armée étrange aux cris sévères,
Les vents froids attaquent vos nids !
Vous, le long des fleuves jaunis,
Sur les routes aux vieux calvaires,
Sur les fossés et sur les trous
Dispersez-vous, ralliez-vous !
Par milliers, sur les champs de France,
Où dorment des morts d’avant-hier,
Tournoyez, n’est-ce pas, l’hiver,
Pour que chaque passant repense !
Sois donc le crieur du devoir,
Ô notre funèbre oiseau noir !
Mais, saints du ciel, en haut du chêne
Mât perdu dans le soir charmé,
Laissez les fauvettes de mai
Pour ceux qu’au fond du bois enchaîne,
Dans l’herbe d’où l’on ne peut fuir,
La défaite sans avenir.
Arthur Rimbaud, Poésies
Dans ce poème triste et froid, Rimbaud utilise l’image funeste du corbeau pour déplorer un double échec : celui de l’armée française dans la guerre de 1870 face aux armées prussiennes d’une part, et son propre échec dans sa tentative ratée de conquérir Paris, d'autre part.
L’écrivain britannique George Orwell met en scène dans son roman La Ferme des Animaux un corbeau nommé Moïse, qui « … se perchait sur une souche, agitait ses ailes noires et jacassait à la cantonade ». Moïse, le corbeau apprivoisé, séduit les habitants de la ferme par ses récits féériques évoquant un lieu de rêve, situé au-delà des nuages : la Montagne de Sucrecandi. Cette terre promise devait permettre aux animaux de ne plus travailler et de jouir des richesses du monde, à condition toutefois qu'ils acceptassent de vénérer et de servir les représentants du pouvoir en place, en commençant, bien sûr, par Moïse lui-même.
En 1871, Alekseï Savrassov peignit un tableau qu’il baptisa « Les freux sont de retour ». Ce peintre et paysagiste russe souhaitait créer une série d’œuvres pour mettre à l’honneur la beauté des paysages hivernaux de la Volga. Dans la neige qui tapisse le sol, quelques corbeaux freux voltigent çà et là. Au sommet des arbres, d’autres corvidés sont perchés sur de fines branches faîtières. Le peintre illustre le moment de l’année où, juste avant le dégel et la fonte des neiges, les corbeaux freux regagnent leur nid, annonçant l’arrivée imminente du printemps et son explosion de couleurs. Le noir intense du plumage des corbeaux tranche avec le blanc immaculé du manteau neigeux recouvrant le sol, ce contraste mettant en avant la beauté inquiétante des passereaux.
La même année, le peintre russe Vassili Verechtchaguine proposa une vision apocalyptique de la guerre dans une œuvre intitulée « L’apothéose de la guerre ». Ce tableau aux accents dramatiques met en scène des corbeaux perchés sur une montagne de crânes humains, tandis qu’une horde de corvidés s’apprête à rejoindre leurs congénères. Dans cette toile d’une profonde tristesse, les oiseaux semblent avoir signé un accord fraternel avec la mort qui se nourrit de la folie des hommes.
En 1878, l'artiste franco-allemand August Friedrich Schenck peignit une scène animalière tragique, qu’il intitula « Angoisses ». Une brebis affolée veille en vain sur le corps sans vie de son agneau. Ce dernier suscite la convoitise d’une horde de grands corbeaux. La symbolique du corvidé nécrophage explose sur la toile, faisant naître chez l’observateur un sentiment qui résonne parfaitement avec le nom de l'œuvre.
Les passereaux, en particulier les corbeaux, occupent une place de choix dans les productions cinématographiques et audiovisuelles. Dans son 48e long-métrage intitulé « Les oiseaux », sorti en 1963, le cinéaste américain Alfred Hitchcock met en scène un univers inquiétant où des hordes de volatiles assiègent une cité californienne dont ils attaquent les habitants. Cette invasion aviaire - impliquant notamment des goélands, des corbeaux freux et des corneilles - contraint la population locale, complètement interloquée, à se barricader et à cesser toute activité. En grand maître du suspens, Hitchcock distille dans ce film énigmatique une ambiance lourde et particulièrement menaçante.
Plusieurs dessins animés mettent en scène des corvidés à l’instar de Blanche-Neige et les Sept Nains (1937) et de La Belle au bois dormant (1959) où un grand corbeau joue un rôle essentiel en tant que fidèle compagnon de sorcières malfaisantes. Fort heureusement, Heckle et Jeckle propose une représentation bien plus positive et franchement amusante des corvidés. Créé en 1947 aux Etats-Unis par le génial Paul Terry, ce dessin animé met en images les aventures de deux corvidés se situant entre la pie bavarde à bec jaune et le corbeau freux. Curieux, enjoués et farceurs, les deux compères illustrent à merveille l’intrépidité et l’ingéniosité de ces passereaux. En France, Il faudra patienter jusqu’en 1982 pour que les aventures de ces drôles d’oiseaux soient ajoutés à la grille des programmes télévisés sous l’impulsion de la société de production Filmation. Les aventures de Heckle et de Jeckle, également appelés Hurlu et Berlu, seront déclinées en version française au long d'une cinquantaine d’épisodes.