Façade du château de Versailles • Photo 14467816 | Versailles © Worakit Sirijinda | Dreamstime.com
Campé sur un domaine de 800 hectares, le château de Versailles s'étend sur 63 154 mètres carré et compte 2 300 pièces, dont la célèbre Galerie des Glaces, qui mesure à elle seule 73 mètres de long, 10,5 mètres de large et 12,3 mètres de haut. Elle est ornée de 357 miroirs luxueux et de 17 fenêtres immenses, qui offrent au visiteur une vue imprenable sur la beauté des jardins. Ces derniers couvrent 230 hectares de terrain paysagé, parsemés de 50 fontaines, de 620 jets d'eau et de 15 bosquets, chacun dans son propre style. Plus de 5 000 personnes séjournaient à la cour royale sous le règne de Louis XIV (1638-1715) et pouvaient utiliser les jardins du domaine comme des lieux de promenade et de divertissement. Ces chiffres vertigineux illustrent l'ampleur et la magnificence du château de Versailles. Ils montrent l'immensité et la complexité de ce lieu historique, reflet de la grandeur exubérante de la monarchie française, mais aussi témoin vivant du talent des artistes et de l’ingéniosité des artisans au XVIIe siècle.
L’épopée du château de Versailles débuta en 1623, lorsque Louis XIII fit construire un modeste pavillon de chasse sur un terrain marécageux situé à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Paris. En 1661, son fils, Louis XIV, décida de faire de ce lieu un somptueux palais, dans le but d'affirmer son pouvoir absolu et de centraliser le gouvernement de l’État. Les travaux d'agrandissement et d'embellissement du domaine de chasse furent conduits sur plusieurs décennies et mobilisèrent les plus grands architectes, ainsi que les plus prestigieux décorateurs et jardiniers de l'époque.
Versailles devint l’épicentre symbolique d’une Europe glorieuse. Avec ses façades ornées de colonnes et de pilastres, le château fut édifié dans un style emblématique de classicisme et de grandeur. L'intérieur du palais royal fut richement décoré de marbre, d'or, de tapisseries et de fresques. Avec Versailles, Louis XIV ambitionnait d’impressionner les visiteurs les plus exigeants. L'ensemble du domaine, y compris les jardins à la française, fut conçu pour mettre en valeur la gloire du Roi-Soleil. Versailles n’était pas seulement le palais de tous les superlatifs, mais aussi l'emblème d'un projet politique ambitionnant de refléter la richesse, la domination absolue et la puissance de la couronne de France.
Entre 1648 et 1653, la France connut une période de troubles civils marquée par une série de révoltes contre l'autorité royale. De 1648 à 1649 eut lieu la fronde parlementaire qui se poursuivit par la Fronde des princes de 1650 à 1653, impliquant notamment le Prince de Condé. Ces révoltes puisaient leurs racines dans un mécontentement croissant vis-à-vis des politiques fiscales et centralisatrices conduites par le cardinal Mazarin, principal ministre de la régente, Anne d'Autriche, tandis que Louis XIV était encore mineur. Rendue exsangue par la Guerre de Trente Ans (1618-1648), la France était en proie à de grandes difficultés financières. Mazarin exigea le paiement de lourdes taxes dans l’espoir de renforcer le pouvoir central, au détriment des privilèges accordés aux parlementaires et à la noblesse. Les nobles rebelles espéraient exploiter le mécontentement populaire pour affaiblir le pouvoir royal et restaurer leurs propres privilèges. Le jeune Louis XIV était âgé de dix ans lorsque la Fonde débuta. Ces années de troubles et d'insécurité façonnèrent sa vision du pouvoir et de la royauté, l’incitant à développer une profonde méfiance envers la noblesse qu'il considérait comme une menace potentielle contre son autorité. La fronde le convainquit de la nécessité d’exercer un pouvoir royal fort et centralisé, au point de lui faire déclarer après son accession au trône, "L'État, c'est moi !". En établissant sa cour à Versailles, le Roi-Soleil s'éloigna des turbulences parisiennes et créa un environnement où il put exercer un contrôle absolu sur la noblesse.
À l’âge de vingt ans, le roi avait pris l’habitude de fréquenter le domaine de chasse de Versailles, créé par son père, Louis XIII. Son intérêt pour le lieu ne cessant de croître, il décida tout d'abord d’aménager le verger dont la surface fut considérablement augmentée et autour duquel un mur de clôture fut élevé. Le 17 août 1661, le monarque, accompagné de 600 courtisans, fut invité par Nicolas Fouquet, surintendant des finances royales et mécène artistique, à une fête somptueuse donnée au château de Vaux-le-Vicomte. La splendeur du château, dont l’immense salon donnait sur les jardins, la beauté des feux d’artifice, les puissants jets d’eau et les délices mémorables d’un buffet orchestré par le célèbre traiteur François Vatel attisèrent la jalousie du roi, qui considéra l’invitation de Fouquet comme une humiliation. Il fit arrêter son hôte pour malversation et cette décision injuste fut interprétée par la noblesse comme une démonstration de la puissance royale, un avertissement impérieux : quiconque tentera de surpasser le roi subira le même sort que Fouquet.
Les architectes et jardiniers Charles Le Brun, André Le Nôtre et Louis Le Vau, au service de la monarchie depuis plusieurs années, furent chargés par le roi de concevoir un palais remarquable, témoignant de la grandeur du monarque et du prestige de la France. Les travaux d’aménagement du domaine de Versailles débutèrent en 1664. Deux ans plus tard, le roi s’installa au château de Saint-Germain-en-Laye. Il lui fallut attendre le 20 avril 1682 pour pouvoir transférer la cour royale à Versailles. Le chantier, entrepris quinze ans plus tôt, était encore loin de l'achèvement, son ampleur reflétant la grandiloquence des exigences royales. En plus de la construction d’un bâtiment gigantesque et somptueux, Louis XIV exigea qu’on déracinât de grands arbres situés à Vaux-le-Vicomte afin de les replanter à Versailles. Pour mener à bien ce projet titanesque, 30 000 hommes se relayèrent jour et nuit durant une quinzaine d’années. Il fallut assécher les sols bourbeux de l’ancien marécage pour accueillir des arbres matures, mais aussi des bosquets et d'innombrables fontaines.
Confiée au paysagiste André Le Nôtre, la conception des jardins passionnait le roi. Afin de disposer de l’eau nécessaire au fonctionnement des fontaines, une ingénieuse machinerie fut mise au point par le gentilhomme liégeois Arnold de Ville. 1 800 hommes prirent part à la réalisation de cette machine, qui dura sept ans. Mesurant 15 mètres de haut et 30 mètres de large, la machine de Marly pompait l’eau de la Seine afin de l’emmener jusqu’au parc de Versailles, situé à 18 km du point de pompage. On utilisait la force hydraulique de la Seine pour faire tourner des roues à aubes et actionner des pompes immergées. Plusieurs centaines de travailleurs étaient nécessaires au fonctionnement et à l’entretien de cette installation. Cette machinerie d’avant-garde contribua à faire de Versailles une prestigieuse vitrine royale, démontrant la capacité du monarque à dompter la nature et à mobiliser une main-d’œuvre docile.
Louis XIV régna sur la France durant 64 ans jusqu’à sa mort, en 1715. Ce règne, d’une durée record, marqua profondément l’horizon politique du siècle. En mars 1661, peu après la mort du cardinal Mazarin, le monarque décida de gouverner seul et de mettre en place une monarchie absolue de droit divin. Qui tentait de s'opposer au roi commettait le péché de s'opposer à Dieu. Louis XIV devint l'unique dispensateur des privilèges, une mesure visant à faire cesser les conflits qui divisaient alors la noblesse. Pour réduire l’influence des ambitieux intriguant au sein du royaume, après avoir aboli le poste de Premier ministre, le roi décida de résider à Versailles avec sa cour, loin du peuple de Paris dont il redoutait les sautes d’humeur imprévisibles.
Au fil des ans, le château du Roi-Soleil devint le miroir de l’absolutisme. Les élites se mirent à fréquenter assidument le domaine de Versailles dans l’espoir de devenir courtisans ou, mieux encore, de se faire remarquer par le roi. Après que ces pratiques étaient acceptées par la cour, elles se généralisaient à l’ensemble de la société. Le château accueillit près de 10 000 courtisans en 1690 et devint le centre névralgique du pouvoir royal, un lieu où voir et être vu étaient des ambitions essentielles pour la noblesse. Chaque pierre, chaque fontaine, chaque arbre du domaine reflétait le rayonnement du monarque. Louis XIV sut mettre l’architecture, l’art et la nature au service de l’autorité absolue qu’il exerçait sur le royaume de France.
Pour le mémorialiste Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon, Versailles est « Le plus triste et le plus ingrat de tous les lieux ». Ce pair de France, fin connaisseur des frasques et intrigues de la cour, livre dans ses Mémoires une critique acerbe de la vie à Versailles. Il y dénonce l’extrême rigidité de l’étiquette, qui imposait aux courtisans un décorum, une tenue et un comportement exemplaires. Il régnait au palais une atmosphère étouffante et aliénante, qui réduisait les individus à des rôles superficiels et cérémoniels. D’après le mémorialiste, la cour de Versailles était un lieu de rivalités intenses. On s’y disputait ardemment les faveurs du roi, dans une compétition incessante, une course effrénée qui attribuait aux vainqueurs des privilèges spéciaux. Il régnait au château une ambiance oppressante, nourrie de jalousies, de viles intrigues politiques et de coups bas. Pour Saint-Simon, Versailles souffrait, en outre, de son isolement par rapport au reste du pays. Le château, par ses splendeurs, le gigantisme de ses décors et ses fêtes grandioses, créait une bulle artificielle, une façade outrageusement éclatante, éloignée des réalités quotidiennes du peuple français. Le Roi-Soleil, dont le pouvoir divin rayonnait tel un astre dans toutes les directions du cosmos, utilisait Versailles comme un moyen de surveiller les activités de la noblesse. En contraignant les courtisans à résider près de lui, il pouvait aisément contrôler leurs ardeurs, tout en les éloignant de leurs domaines, où ils auraient pu fomenter des rébellions.
Pour Louis XIV, les jardins et les aménagements extérieurs étaient aussi importants que l’organisation intérieure et la décoration du palais. Expert en jardinage, le monarque assista le paysagiste André Le Nôtre pour dresser les plans des espaces extérieurs qui s’étendaient sur 800 hectares. Le roi avait en tête d'en faire des lieux de plaisir et de détente qui lui permettraient de se promener longuement en compagnie de ses courtisans ou de ses maîtresses. Il supervisa la création des jardins à la française, savamment organisés, réguliers et géométriques. Aucun détail ne fut laissé au hasard, aucune improvisation ne fut tolérée. Selon l’autrice Catherine Szanto, les extérieurs du palais formaient un ensemble cohérent « d’unités spatiales, délimitées et structurées, nommées et donc distinguées… ».
L’organisation de ces espaces fut pensée pour tisser un lien intime entre les promeneurs et la nature. Les jardins constituaient, en outre, un lieu de sociabilité pour la cour, les promenades, les conversations et les jeux permettant aux courtisans de se rapprocher du roi, ainsi que de tisser des alliances politiques et sociales. Les bosquets offraient, quant à eux, des lieux intimes où l’on pouvait discuter en toute confidentialité.
Les jardins de Versailles furent organisés autour de deux axes orthogonaux : l'axe est-ouest, aligné sur la course du soleil – du levant au couchant –, et l'axe nord-sud, une disposition symétrique matérialisant l'ordre et la régularité. Elle structurait l’esthétique des lieux et symbolisait le rayonnement du pouvoir royal. Bien sûr, la bâtisse où résidait le monarque trônait au centre de ce repère orthogonal parfait. Elle incarnait le cœur battant du royaume de France.
Le Grand Canal, un immense plan d'eau, long de 1,6 km, constituait l'élément central de l'axe est-ouest, prolongeant la perspective au-delà des jardins, jusqu'à l'horizon. À proximité immédiate du château, de somptueux parterres, conçus pour être admirés depuis les fenêtres des appartements royaux, offraient au regard des motifs géométriques complexes, faits de gazon, de fleurs et de gravier. Parmi eux, le Parterre d'Eau et le Parterre de Latone témoignaient de l’extrême habileté des jardiniers à créer des œuvres d'art vivantes, évoluant au fil des saisons et au gré des floraisons. 15 bosquets agrémentaient la déambulation du visiteur. Chacun de ces petits bois illustrait un thème unique, à l’aide d’éléments décoratifs tels que des fontaines, des statues et des salles de verdure. Souvent utilisés lors des fêtes et des spectacles royaux, ces bosquets transformaient les jardins en un théâtre de plein air. D’autres, comme le Bosquet des Rocailles et le Bosquet de la Salle de Bal, constituaient des lieux plus intimes, prisés par la cour. Des spectacles mettant en scène des jets d'eau synchronisés émerveillaient les visiteurs.
Lorsqu’il décida d’ajouter la visite des jardins au protocole diplomatique, le roi élabora un itinéraire unique et imposé permettant de découvrir et d’apprécier la beauté de son chef-d’œuvre. Il consigna méticuleusement les passages à emprunter et le sens de la visite dans le but de surprendre le regard et de susciter l’admiration du promeneur. L'utilisation de l'eau, des perspectives infinies et des sculptures mythologiques – notamment les statues de Bacchus, Saturne et Diane chasseresse – renforçait l’impression de puissance et de contrôle absolu, imposés par le monarque. Le roi incarnait l’astre solaire autour duquel l’univers dansait avec révérence.
Les jardins dessinaient une immense toile de récits mythologiques, minutieusement conçue pour illustrer le pouvoir et la grandeur du souverain. Cette symbiose entre l'art, la nature et la mythologie conférait aux jardins de Versailles une dimension unique et fascinante. Chaque statue, chaque fontaine racontait une histoire tirée de légendes anciennes, mettant en scène des valeurs de courage, de beauté, de sagesse et d’amour. Dans l’axe du château trônait le Parterre de Latone. La structure de marbre, sculptée par les frères Marsy, était directement inspirée des Métamorphoses du poète latin Ovide. On raconte que Latone, mère d'Apollon et de Diane, fut persécutée par des paysans de Lycie alors qu'elle cherchait de l'eau pour ses enfants. En réponse, Jupiter transforma les paysans en grenouilles. Les sculptures du bassin illustraient cette métamorphose, Latone se dressant pour implorer la protection divine, tandis que les paysans se transformaient en batraciens. Ce récit symbolisait la justice divine et la protection accordée par Louis XIV à ses fidèles sujets. Un peu plus loin, la promenade royale conduisait le visiteur au bassin d’Apollon, dieu du Soleil et des arts. Le sculpteur Jean-Baptiste Tuby représenta Apollon sortant de la mer sur un char tiré par quatre chevaux fougueux, une allégorie de la course du Soleil à travers le ciel, qui faisait écho au rôle divin du Roi-Soleil guidant la nation française.
Un chemin sur la droite conduisait le visiteur au Bosquet de l’Encelade qui illustrait le destin tragique d’un géant doté de cent bras. Fils de Gaïa (la Terre) et d’Ouranos (le ciel), ce personnage mythologique luttait contre les dieux de l’Olympe. Lors du combat où s’affrontèrent les géants et les dieux, Encelade affronta Athéna, déesse de la sagesse et de la guerre. Le géant mourut écrasé sous le mont Etna. Ce mythe fut choisi par Louis XIV pour mettre en garde les visiteurs imprudents qui oseraient se révolter contre son pouvoir divin.
La Galerie des Glaces reflétait la grandeur des aspirations du Roi-Soleil. Initialement, il s’agissait d’une simple terrasse reliant les appartements du roi, situés dans l’aile gauche du château, à ceux de la reine, situés dans l’aile droite. Cependant, les intempéries interdisaient fréquemment l’utilisation de ce passage à ciel ouvert. Sur ordre de Louis XIV, la construction d’une galerie couverte débuta en 1678, sous la direction de l'architecte Jules Hardouin-Mansart. C'est aujourd'hui l'un plus précieux joyaux du château de Versailles.
Longue de 73 mètres, la galerie est bordée de 17 fenêtres donnant sur les jardins. 357 miroirs reflètent la lumière extérieure dans une féérie lumineuse spectaculaire. Jean-Baptise Colbert, qui fut contrôleur général des finances du Roi-Soleil, sollicita les meilleurs miroitiers vénitiens qui mirent leur savoir au service des ambitions royales. Le plafond voûté, peint par Charles Le Brun, retrace les exploits militaires et diplomatiques du roi. Symbolisant la richesse, la grandeur et l’autorité royales, la Galerie des Glaces devint peu à peu l’espace de réception et de grand apparat préféré de la cour.
La Galerie des Glaces fut le théâtre de nombreux événements historiques parmi lesquels la signature du Traité de Versailles entre l'Allemagne et les Alliés le 28 juin 1919 occupe une place de choix. Cet événement témoigne de l’importance symbolique et diplomatique de Versailles, devenu le théâtre de nombreuses négociations et décisions historiques de première importance. Aujourd'hui, la galerie accueille des événements spéciaux, comme pour perpétuer une longue tradition. En mars 2014 par exemple, le Président de la République, François Hollande, y reçut le dirigeant chinois Xi Jinping. En 2009, Nicolas Sarkozy y réunit le Parlement lors du Congrès de Versailles afin de modifier la Constitution.
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Durant plusieurs siècles, le fonctionnement de la cour de Versailles fut un exemple inspirant pour plusieurs pays européens. Dès l’installation de la cour au château, des princes, des ambassadeurs, des artistes et de nombreux savants vinrent visiter le domaine, par curiosité ou sur invitation du roi. Versailles ne tarda pas à ajouter son nom à la longue liste des sites incontournables, à ne manquer sous aucun prétexte, dans la pratique du Grand Tour. Ce dernier, qui apparut au XVIIe siècle et connut son apogée au siècle des Lumières, consistait en un voyage de plusieurs années à travers l’Europe, effectué par les jeunes hommes des plus hautes classes de la société. Il permettait d’éduquer ces aristocrates en herbe et de combler, par l’expérience, le tutorat et les rencontres, les lacunes résultant d’une éducation essentiellement fondée sur les humanités grecques et latines.
Le château de Versailles était ouvert à tous, sous réserve que chaque visiteur se conformât aux exigences vestimentaires et aux règles imposées par l’étiquette. Louis XIV avait créé un lieu majestueux, qui matérialisait le modèle ultime d’organisation de la cour, prônant la séparation entre le public et le privé au sein même de la demeure royale. Pour un jeune aristocrate en formation, s’imprégner de l’esprit qui régnait à Versailles était une figure imposée.
L’épanouissement de l’art et de la culture français, parfaitement incarnés dans la construction et la décoration du château de Versailles, est l’un des phénomènes centraux dans l’évolution de l’art et des arts décoratifs européens. Howard Creel Collinson, French Court Style andIts Influence (1992)
L’auteur de cette citation souligne l'impact significatif exercé par les codes versaillais sur les pays voisins. Le château de Versailles définit le fonctionnement idéal d'une cour royale. ll devint rapidement le modèle des meilleures pratiques culinaires, des arts et de l’architecture. Ses jardins influencèrent durablement l'art paysager européen. Leur conception harmonieuse, mêlée à une utilisation magistrale des récits mythologiques, inspira de nombreux jardins royaux et aristocratiques en Europe.
Source intarissable d’inspiration pour les architectes du XVIIIe siècle, ce joyau fut le premier à exploiter des illusions d’optique pour créer des sensations uniques. Lorsque le roi se tenait sur son balcon, parfaitement aligné avec le plan des jardins, il pouvait admirer une perspective qui semblait s'étendre jusqu'à l'horizon où trônait le Grand Canal. Ce dernier était agrémenté de trois bassins dont les dimensions paraissaient identiques à un observateur situé à proximité du château. Le génial paysagiste André Le Nôtre, tel un magicien, parvint à tromper nos sens en augmentant progressivement la taille des bassins les plus éloignés du château. Depuis le centre de la terrasse supérieure, une partie du jardin était dissimulée par les escaliers, donnant au promeneur l'impression d'être à proximité du canal. Cependant, en s'approchant des escaliers, une nouvelle section des jardins, avec ses bosquets et ses parterres, se dévoilait progressivement. Le visiteur après avoir descendu ces escaliers pénétrait dans un véritable dédale de beautés et de nouvelles surprises. André Le Nôtre résumait cette expérience visuelle en affirmant que « l’œil crée la perspective, tandis que la marche la fait vivre ».
Souvent imitées, les innovations remarquables introduites à Versailles furent rarement égalées. En Lorraine, Léopold Ier fit reconstruire le château de Lunéville en s'inspirant du palais royal de France, au point que ce domaine fut surnommé le « Versailles lorrain ». S'inspirant de Louis XIV à Versailles, Léopold fit de son domaine la sa résidence principale et y accueillit sa cour. En Allemagne, de nombreux palais inspirés du style versaillais virent le jour, à l'instar du château de Herrenchiemsee. Lorsqu'il visita le château de Versailles en 1867, le roi de Bavière fut profondément admiratif de l'élégance architecturale du palais français et séduit par le projet politique de son propriétaire. Encore plus à l'est, en Autriche, la construction du château de Schönbrunn s'inspira des symétries parfaites du domaine de Versailles. Les jardins à la française du palais autrichien, conçus par Jean Tréhet, sont des copies conformes des allées et de la végétation des extérieurs versaillais. En Espagne, le Palais royal de la Granja fut construit selon les souhaits de Philippe V, petit-fils de Louis XIV. On y retrouve de vastes jardins s'étalant sur 145 hectares, ainsi que des fontaines dont les jets s’élèvent à 40 mètres dans les airs. Près de Saint-Pétersbourg, le palais de Peterhof s’inspira également de la résidence principale du trône de France. Après un voyage en France, le tsar Pierre le Grand décida de créer un « Versailles russe » en adoptant les codes architecturaux du château de Louis XIV.
Le château de Versailles contribua largement au développement des arts décoratifs en France, en stimulant la créativité et l’innovation artistiques. Au cours du Grand Siècle, les arts décoratifs constituaient un symbole de puissance et de richesse. Louis XIV, jeune monarque passionné par l’art, aspirait à étendre l’influence culturelle du royaume de France à travers l’Europe. Il s’inspira du modèle italien pour créer différentes académies, inspirées de l'Académie française, fondée en 1634 par le cardinal de Richelieu. Le roi décréta la création de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1648 sous l'impulsion de Charles Le Brun, celle de l’Académie de danse en 1661, puis celle de l’Académie de musique en 1669 et enfin celle de l’Académie d’architecture en 1671. Les institutions consacrées à ces disciplines artistiques, initialement dévouées à la réalisation des objectifs culturels de la monarchie, furent regroupées en 1816 sous le nom d'Académie des beaux-arts.
Sous le règne de Louis XIV, la tapisserie connut également un nouvel essor. Colbert donna un second souffle à la manufacture des Gobelins, créée par Henri IV en 1601. Dans le but de produire de luxueuses tapisseries, principalement destinées au château de Versailles, Colbert incita le Hollandais Jean Glucq à mettre au service du roi de France un procédé original de teinture rouge. Le développement de nouvelles techniques permettant de créer des objets précieux en porcelaine, notamment des assiettes et des tasses de grande beauté, contribua au rayonnement des arts de la table. Les cours européennes jalousèrent la finesse et la sophistication de la table royale de France. Les aménagements et les décors intérieurs de la demeure royale jouèrent un rôle clé dans le développement des arts décoratifs en France. Des écoles spécialisées virent le jour afin de former des artisans hautement spécialisés dans la réalisation de meubles précieux. L'École Boulle fut fondée en 1886, sous l'impulsion du premier ébéniste du roi, André-Charles Boulle, célèbre pour son travail sur des matériaux rares et coûteux, notamment l’écaille de tortue rouge et des bois précieux.